Adossée à des faits réels, Aryennes d’honneur est une saga familiale qui nous plonge dans les heures les plus sombres de l’Occupation. L’auteur, Damien Roger, né en 1987, signe là son premier roman. Ancien élève de l’ENA, il est aujourd’hui haut fonctionnaire au ministère de la Culture. Nous avons posé quatre questions à cet auteur dont la voix compte désormais dans le monde des lettres.
Pouvez-vous nous présenter votre ouvrage ?
Dans ce roman, je me suis intéressé à un pan oublié de l’histoire des Juifs en France pendant la Seconde Guerre mondiale, celui des exemptées du port de l’étoile jaune. Plusieurs mois d’enquête ont été nécessaires pour me permettre d’aborder ce sujet qui n’a jusqu’à présent fait l’objet d’aucune étude historique ni publication de fiction. J’y aborde la trajectoire de trois femmes, Marie-Louise, Lucie et Suzanne Stern, respectivement la marquise de Chasseloup-Laubat, la baronne de Langlade et la comtesse d’Aramon. Nées juives, converties au catholicisme et mariées à des aristocrates français, leur vie bascule en 1940 avec l’invasion allemande. Comptant parmi les proches amis de leur famille le maréchal Pétain, ces trois femmes vont en effet avoir l’espoir d’obtenir un traitement de faveur. Mais pour cela, elles vont devoir décider de quel côté elles se rangent…
Comment vous est venu l’idée de ce sujet ?
L’idée m’a été indirectement soufflée par Bernard Minoret, un érudit qui jusqu’au début des années 2000 tenait un des derniers salons parisiens, tels qu’ils existaient au siècle dernier. Bernard avait connu la marquise Lisette de Brinon, l’épouse de Fernand de Brinon, ambassadeur de Vichy auprès des autorités d’occupation. C’est dans sa bouche que j’ai entendu pour la première fois l’expression « aryenne d’honneur ». Soixante ans après la guerre, le terme n’avait rien perdu de son pouvoir énigmatique. J’ai tout de suite été fasciné par le parcours de cette femme, née juive, qui pendant la guerre avait été exemptée du port de l’étoile jaune et dont le fils, né d’un premier mariage, avait rejoint la Résistance. Après la guerre, elle vivait dans le souvenir ému de son époux fusillé à la Libération et continuait de recevoir d’anciens collaborateurs. Je me demandais comment on pouvait faire cohabiter cette identité juive avec cette fidélité aux idées de l’État français.
Pourquoi cette période de l’Occupation vous passionne-t-elle ?
Rares dans l’histoire sont ces moments de bouleversement où l’échelle des normes et des valeurs se trouve remise en cause et où consécutivement chacun doit se positionner. Que faire ? Qui croire ? Qu’est-ce qui nous pousse à nous engager ou justement à refuser de choisir… mais alors c’est encore choisir. Ce qui est sans doute difficile à appréhender, c’est que des comportements a priori opposés ont pu cohabiter chez une même personne, parfois au même moment. Ces années noires sont en réalité des années grises. Comprendre les mécanismes politiques, sociaux, psychologiques qui entraînent telle ou telle trajectoire est absolument fascinant.
Quelle est l’actualité du livre et quels sont vos projets ?
Aryennes d’honneur a été sélectionné pour concourir au Prix du premier roman 2023. Je suis par ailleurs en discussions avec des producteurs pour une adaptation du livre à la télévision ou au cinéma. Enfin, je prépare un nouveau roman qui devrait également se passer pendant la Seconde Guerre mondiale. Il y a encore beaucoup de choses à dire sur cette période, cela me donne envie de poursuivre.
Aryennes d’honneur, 2023, Éditions Privat au prix de 22,90€