• 10 février 2023
  • Alain Philippe Baudry Knops
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“Lors d’un rituel d’intégration dans la prestigieuse École Militaire de Saint-Cyr, Aïssa, 23 ans, perd la vie.
Face à une Armée qui peine à reconnaître ses responsabilités, Ismaël, son grand frère, se lance dans
une bataille pour la vérité. Son enquête sur le parcours de son cadet va faire ressurgir ses souvenirs, de
leur enfance à Alger aux derniers moments ensemble à Taipei. D’après une histoire vraie. ”

Ismaël ( Karim Leklou ) etson frère Aïssa ( Shaïn Boumedine)

Dans la tragédie, tout est plus grand, plus intense. Pourtant, quand elle vous frappe pour de bon, elle le fait de manière inattendue, insidieuse, vénéneuse. Tout a commencé par un problème de mise en scène.
À l’automne 2012, les élèves de l’école spéciale militaire de Saint-Cyr, en charge de la « transmission de tradition » destinée à accueillir les nouvelles recrues, ont décidé de reconstituer le débarquement de Provence du 15 août 1944. Un peu avant minuit, le 29 octobre 2012, les nouveaux, sous le feu de puissants projecteurs, ont été poussés à entrer dans un étang surnommé « Bazar Beach », équipés de leurs treillis, rangers et casque lourd, sous des tirs de cartouches à blanc accompagnés des Walkyries de Wagner diffusées à plein volume.
Apocalypse Now version carton-pâte.
On pourrait rire de cette ambition de faire cinoche si la réalité n’avait pas tourné au drame.
Plongés dans une eau à 9 degrés qui saisit même les meilleurs nageurs, les jeunes soldats découvrent très vite qu’ils n’ont pas pied. Panique générale, sauve-qui-peut. Beaucoup n’échappent à la noyade que d’un cheveu. Dans la confusion, on met du temps à s’apercevoir qu’un soldat manque à l’appel : Jallal Hami, OST (Officier Sur Titre) de 24 ans. Mon frère.
Le coup a beau être fatal, on met du temps à en saisir toutes les dimensions. Et on se retrouve confronté à un nouveau problème de mise en scène : celle des funérailles. Que faire de la dépouille de ce jeune officier tombé pour la France sans avoir combattu, tombé par la faute de ses camarades ? Lui offrir une cérémonie aux Invalides, comme le propose la direction de Saint-Cyr, ou se contenter du carré musulman de Bobigny, comme le préconise l’État-Major de l’Armée de Terre ?
Pour la France se déploie à partir de ces deux questions de mise en scène, celle d’une reconstitution ratée et celle de la dispute symbolique autour de la dépouille d’un garçon appartenant à la fois à sa famille d’origine algérienne et à sa nation d’adoption.
Français, quand on ne l’est pas de naissance, on peut le devenir à l’usure, après plusieurs générations, ou de manière instantanée, par le sang versé.
L’assimilation par le courage, le risque et l’énergie plutôt que par la patience, l’obéissance et la sagesse. C’est la voie des soldats de la Légion Étrangère, ou celle de Romain Gary, immigré juif russe devenu aviateur, écrivain et gaulliste. C’est la voie rapide, celle des jeunes gens pressés, des immigrés et des rêveurs, qui parfois sont les trois en même temps.
C’était celle qu’avait choisie mon frère. D’une certaine manière, il a atteint son but, trop vite et
de manière absurde. Mais lui était prêt à tomber pour la France.
Ironie de l’histoire, la reconstitution de ce débarquement de Provence, où la France n’était présente que sous la forme de l’armée d’Afrique, aura provoqué la mort du seul Arabe présent ce soir-là. Ironie redoublée par l’illusion pour lui, sa mère et ses frères, d’avoir échappé à la violence de la guerre civile algérienne des années 90 pour rencontrer la mort, précisément au nom d’un rêve d’assimilation censé assurer la sécurité.

S’il s’agit bien d’une histoire née d’une tragédie à la fois personnelle et familiale, je ne veux pas me servir du cinéma pour régler des comptes ou pour fabriquer des pièces à conviction. Je compte plutôt sur lui pour m’aider à dessiner la trajectoire implacable de cette violence à laquelle on ne croit échapper que pour retomber dans ses bras.
Pour la France n’est pas une histoire de vengeance ou de rédemption, ne relève pas de l’enquête criminelle. Le travail du cinéma n’est pas celui de la justice. Ce film n’est pas une enquête sur la mort, mais sur la vie. La vie d’Aïssa, garçon né en Algérie qui rêvait de devenir officier de l’armée française.
Tout en luttant pour obtenir des funérailles et une sépulture dignes de l’engagement de son petit frère, Ismaël explore ses souvenirs pour reconstituer et comprendre l’itinéraire qui les a menés, lui et sa famille, des plages d’Alger à ce sinistre étang de Saint-Cyr.
Le film traverse trois époques et autant de pays qu’Ismaël entrelace au gré de ses émotions et des questions qu’il se pose. De l’Algérie à la France en passant par Taïwan où les deux frères, parce qu’ils étaient loin de tout ce qui comptait pour eux, ont pu approcher au plus près la vérité brûlante à l’origine de leurs dissensions.
Ni lamentation victimaire et encore moins dénonciation stérile de la chose militaire, ce film propose un périple houleux dans l’intimité de deux frères que la vie a séparés, sous-tendu par une méditation plus large sur le déracinement. Faut-il payer de sa vie le rêve d’appartenir à un
pays ?
Pour la France ne propose pas de réponse, si ce n’est sous la forme d’une question, que chacun sera libre de faire vivre à sa manière.

Rachid Hami
Ismaël ( Karim Leklou ) et son frère Aïssa ( Shaïn Boumedine)

 » Pour la France  » est un film très intéressant, il montre le parcours d’une famille qui a fuit l’Algérie, s’est intégrée. Le plus jeune frère, Aïssa, a suivi des études, obtenu un master et s’est engagé dans l’armée à St Cyr. Les relations entre les deux frères n’ont pas été toujours au beau fixe, mais le frère ainé, Ismaël, qui a eu un parcours cahotique a toujours aimé Aïssa. Il a tout fait pour que la mort de son frère ne soit pas un simple accident, mais un crime.

Sortie en salle le : 8 février 2023

Alain Philippe Baudry Knops

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