Ambiance funèbre, macabre lors de la présentation de la dernière collection automne-hiver 2015-2016 de Thom Browne. Il fait sombre dans le hangar. Ambiance tamisée, on attend avec impatience le déroulement des hostilités car oui, avec Thom Browne, on peut se permettre d’utiliser ce mot. Grand fan d’art et de mode, le créateur américain ne lésine jamais sur la scénographie des présentations de ses collections. Trois pièces s’offrent à nous. Entièrement de blanc peintes, elles sont aseptisées. Et puis un homme est là, allongé dans un lit, habillé de la même couleur que les pièces. Il se lève, vit son quotidien, lentement, doucement, instaurant une lenteur certaine presque pesante. La notion de temps sera alors très importante dans cette mise en scène. Et puis d’un coup, l’homme troque son habit blanc pour un habit noir, transforme toutes les pièces de sa maison en la couleur du deuil et meurt paisiblement dans son lit. Le blanc représente ici la vie, le noir la mort. S’en suit un cortège funèbre d’hommes habillés de noir. Marchant lentement laissant des traces dans la cendre qui tombent du ciel comme la pluie tombe, ils rendent hommage au défunt.
Thom Browne présente une collection macabre, sombre, noire et pourtant, malgré la seule présence de cette couleur, les matières utilisées donnent l’impression qu’une infinie palette de noirs est diposée. Les matières utilisées reflètent différemment la lumière pour un effet moins lassant que si le seul même noir aurait été utilisé. Différentes textures sont mélangées pour créer profondeur et structure aux volumes. Voilage, tulles, dentelles, broderies, PVC, les matières utilisées ajoutent fluidité et romantisme en plus du contraste des coupes à une collection plutôt mélancolique dans son premier aspect. Les manteaux sont longs et allongent une silhouette basée principalement sur les superpositions. La silhouette est une silhouette androgyne. Entre masculinité et féminité, l’homme Thom Browne hésite. Il peut porter une jupe comme chez beaucoup de créateurs notamment depuis quelques années. La modernité de l’homme réside dans la facilité qu’il a d’emprunter des pièces du vestiaire féminin pour en faire quelque chose de singulier, androgyne sans tomber dans l’excès. La silhouette est contrastée au même titre que les pièces sélectionnées. A l’aspect théâtral du défilé en plus de la scénarisation de la mort d’un personnage s’ajoute des chapeaux haut de forme noire à voilage : on se retrouve définitivement propulsé dans un monde de Tim Burton où le personnage de Barnabas Collins du film Dark Shadows a ici aussi le rôle principal. Thom Browne qui a les mêmes initiales que Tim Burton, ajoute un aspect ténébreux et chaleureux avec quelques détails de fourrure ou sur un manteau entier en vison pour une silhouette presque entièrement féminine. Les chaussettes hautes portées sur des jambes nues poussent cette idée de féminité à son paroxysme. On adore les sacs baleine et tortue reprit en motifs sur quelques pièces pour un esprit définitivement enfantin et donc Tim Burtonesque.
Thom Browne présente une collection hivernale tout en extravagance théâtrale. La marche funèbre qui se déroule sous nos yeux clôture la Fashion Week sur une note sombre. On regrette les quarante-deux looks qui se ressemble un petit peu trop dans l’ensemble. On adhère à l’idée du vestiaire androgyne ainsi que la traditionnelle mise en scène propre à Thom Browne.