• 30 avril 2021
  • Alain Philippe Baudry Knops
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THE FATHER raconte la trajectoire intérieure d’un homme de 81 ans, Anthony, dont la réalité se brise peu à peu sous nos yeux. Mais c’est aussi l’histoire d’Anne, sa fille, qui tente de l’accompagner dans un labyrinthe de questions sans réponses.

ENTRETIEN AVEC FLORIAN ZELLER (réalisateur)

Depuis 2008 et votre premier court-métrage, « Nos Dernières Frivolités », vous ne cachiez pas votre attirance pour le cinéma…
A l’origine, je viens du théâtre. J’ai une passion pour ce qui se passe sur une scène et pour le travail vivant des comédiens. Mais c’est vrai que je réfléchis depuis longtemps à ce premier film. Je n’avais pas le désir abstrait de faire « un film », mais celui, plus concret, de faire ce film-là, en particulier. Même s’il est adapté d’une de mes pièces, mon intention n’était pas de filmer du théâtre. C’était au contraire de tenter de faire ce que seul le cinéma permet de faire. C’est ce qui a vraiment guidé mon désir et mon travail avec Christopher Hampton, avec lequel j’ai écrit le scénario.

Pourquoi avoir voulu adapter cette pièce déjà mondialement célébrée ? N’était-ce pas un risque ?
Au contraire, Je l’ai vu comme un point d’appui. J’avais en tête des références ou des sensations assez précises, qui me venaient de la création de la pièce en France en 2012, mais aussi d’autres créations à l’étranger. Je connaissais intimement, disons, le territoire émotionnel que je voulais explorer. Je pense que cela m’a plutôt aidé.

Vous avez choisi de réaliser le film en anglais. Par pragmatisme ? Par goût pour cette langue ?
Essentiellement parce que, lorsque j’ai commencé à rêver de ce film, c’est le visage d’Anthony Hopkins que je voyais. J’ai une admiration extrême pour lui, et j’étais convaincu qu’il serait extraordinaire dans ce rôle. C’est ça qui a décidé du reste.
J’ai donc écrit le scénario en pensant à lui. C’est la raison pour laquelle le personnage principal s’appelle « Anthony ». C’était une façon, en écrivant, d’aller vers lui. De rendre un peu réelle cette idée légèrement irréaliste…

Justement, comment approche-t-on quelqu’un comme Anthony Hopkins ?
J’étais conscient que ce n’était pas un rêve facile à réaliser. Mais je m’appuyais sur cette idée simple : tant que personne ne vous a démontré que c’est impossible, ça signifie que ça reste possible. Au moins potentiellement… Souvent, c’est nous-mêmes, et non les événements, qui fermons les portes. Cette fois-ci, j’avais décidé de suivre obstinément mon intuition, même si elle paraissait un peu irréaliste. Je ne sais pas comment vous dire… J’étais convaincu que c’était pour lui. Nous avons donc envoyé le scénario à son agent. Et nous avons attendu. Et puis un jour, j’ai reçu un appel m’informant qu’il voulait me rencontrer. J’ai directement pris un avion pour Los Angeles prendre un petit-déjeuner avec lui !

Et comment s’est passé ce premier rendez-vous ?
J’étais forcément un peu intimidé. Il m’a posé beaucoup de questions pour savoir ce que j’avais en tête. Et à la fin du rendez-vous, il s’est levé et il m’a fait un « hug » en me disant : « Je veux le faire ».
Evidemment, il avait noté que le personnage s’appelait « Anthony », et c’était quelque chose qui le troublait un peu. Quelques jours avant de tourner, un an plus tard, il est revenu sur le sujet, en me demandant si j’étais vraiment sûr de vouloir garder ce prénom. Mais moi, j’y tenais beaucoup. Parce que cela accentuait la confusion que je cherchais à entretenir entre la fiction et le réel. Mais aussi parce que je pressentais que cela résonnerait en lui comme une sorte d’invitation à aller chercher des émotions très personnelles.
Parce que l’enjeu, c’était précisément d’aller sur un territoire très intime. D’aller là où il n’était pas encore allé. De toucher quelque chose de l’ordre de l’extrême vulnérabilité. Et quelque part, je crois que ce prénom nous a aidés. C’était une façon implicite de convoquer son propre sentiment de mortalité.

Il y a cette dernière scène du film, qui est terrible…
C’est une scène qu’on a tournée avec autant d’excitation que d’appréhension, parce qu’on savait qu’elle était déterminante pour le film. C’était un moment très fort pour nous tous, sur le plateau. Anthony est vraiment allé chercher des émotions extrêmes… Je crois que tourner cette scène a été l’expérience la plus forte de toute ma vie.

Olivia Colman interprète Anne…
Il faut que je fasse attention à ne pas utiliser trop de superlatifs, mais bon, pour moi, c’est la plus grande actrice anglaise. Je l’adore depuis longtemps, et j’étais extrêmement heureux qu’elle nous rejoigne. Elle a quelque chose de magique. A l’instant où vous la voyez, vous l’aimez. Je ne sais pas comment elle fait ça ! Et c’était quelque chose de formidable pour le film. Parce que « The Father » n’est pas simplement l’histoire d’un homme qui perd ses repères, c’est aussi l’histoire de sa fille, qui tente de gérer cette situation, et pour cela j’avais besoin d’une actrice qui puisse susciter presque immédiatement de l’empathie.
Par ailleurs, elle a cette puissance émotionnelle qui m’impressionne beaucoup. Elle est capable d’exprimer tellement de choses en faisant presque rien. Je pense par exemple à cette scène où ils sont tous les deux dans un ascenseur. Pour la première fois, Anthony lui dit quelque chose de gentil, à propos de sa coiffure. Elle le regarde alors d’une façon que je trouve bouleversante. Soudain, on voit la petite fille qu’elle a été, on devine qu’elle n’a jamais été la préférée, et qu’elle serait prête à tout faire pour recevoir un mot gentil de son père…

 » The Father  » de Florian Zeller a obtenu deux Oscars. Un pour le Meilleur Acteur décerné à Anthony Hopkins et un pour le meilleur scénario décerné à Florian Zeller.

On attend avec impatience la réouverture des salles de cinéma.

Sortie prévue le 26 mai 2021

Alain Philippe Baudry Knops

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