Le Salon Rétromobile qui se tient au Palais des Expositions de la Porte de Versailles à Paris du 6 au 10 février 2019 sera l’occasion de nombreux anniversaires et hommages.

Incontournable seront ceux des 100 ans de la marque Citroën, les 60 ans de la Mini…

Mais le plus fameux sera l’hommage rendu à l’industriel Paul Berliet au travers la présentation du fameux et très spectaculaire camion Berliet T 100.
Souvenez-vous, à la fin des années 1950, plusieurs symboles qui participeront au rayonnement de la France sont en cours de réalisation.
Citons par exemple le pont de Tancarville dont la première pierre est posée en 1955, ou encore le paquebot France dont l’assemblage débute en 1957.
En cette même année, Berliet présente le T100, le plus gros camion du monde qui participe à sa façon à faire briller la technologie française…

Mais revenons plus loin en arrière.
Dès la fin des années 1930, l’idée de la présence de pétrole dans le Sahara est communément admise compte tenu des spécificités géologiques de cette région.
L’exploration pétrolière débute dans l’Algérie française dans les années 1950 dans une incrédulité quasi-générale.
Les recherches se font avec un matériel rudimentaire, parfois même à dos de chameaux quand les véhicules ne peuvent plus avancer…
Les premières découvertes (1952-1955) ne concernent que des accumulations de gaz sec, alors regardé comme un objectif mineur.
Cependant les premiers indices d’un sous-sol riche en hydrocarbures apparaissent, en 1953, la S.N.RE.P.AL (Société Nationale de Recherches de Pétrole en Algérie) trouve quelques cm3 du gaz inflammable dans un forage à 2.000 mètres de profondeur.
L’année suivante, un important gisement de gaz est trouvé, mais le pétrole se fait encore attendre.

Les découvertes d’huile ne se produisent qu’au début de l’année 1956, d’abord dans la bordure méridionale du bassin avec Edjeleh, puis Tiguentourine, par la CREPS.
En juin, un indice d’huile est découvert dans le nord, par la CFP (Compagnie Française des Pétroles), près de Ouargla. Enfin survient en juillet 1956 la découverte du champ géant de Hassi Messaoud à Md1 par la S.N.RE.P.AL (Société Nationale de Recherches de Pétrole en Algérie) confirmé un an plus tard par Om1 (CFP). Entre temps, la SN Repal découvrait un autre géant, de gaz humide celui-ci, à Hassi R’Mel.
Le Sahara devient officiellement une zone pétrolière, la France se met à la conquête de cet eldorado.
Ces découvertes valent une visite du général de Gaulle sur le chantier de Hassi Messaoud en mars 1957.
Hassi Messaoud pour le pétrole, et Hassi R’Mel pour le gaz, qui figurent, depuis 1967, parmi les plus grands gisements du monde, représentent encore 80% des réserves d’hydrocarbures de l’Algérie.

Mais, comme nous l’avons vu plus haut, depuis les premières recherches le problème du transport de matériel dans le Sahara n’avait jamais été vraiment résolu…

Jusque là, les pionniers du pétrole faisaient avec les moyens du bord, l’Etat français leur fournissait toutefois un important matériel jusqu’à des avions qui leur étaient mis à disposition. Mais pour se mouvoir, rares étaient les véhicules capables de franchir les dunes de sable du Sahara. Du matériel de la seconde guerre mondiale a sans doute été utilisé, ainsi que quelques Berliet et Willème. Mais aucun véhicule ne surpassait les camions américains Kenworth, qui connaissaient toutefois leurs limites dans les régions les plus reculées du Sahara…

Paul Berliet survole le Sahara en avion et décide de la construction du T 100

Toutefois, le marché de la prospection pétrolière commence à intéresser en métropole, des artisans tentent leur chance comme ALM qui produit des petits camions tout-terrain que l’on retrouva au Sahara. A partir de 1956 et la découverte de l’or noir, les grandes compagnies s’intéressent de près à cette aventure, notamment Berliet dont son dirigeant, Paul Berliet, effectue un survol du Sahara en avion fin 1956. il envisage alors plusieurs solutions, l’une d’entre elle fut le Berliet Gazelle, un camion développé en 10 mois et opérationnel dès 1957.

Mais la Gazelle de Berliet n’est pas adaptée au transport de charges volumineuses sur les dunes, le constructeur lyonnais envoie début 1957 ses ingénieurs dans le Sahara pour une mission spécifique : établir un cahier des charges d’un camion capable de traverser les dunes sans encombre avec du matériel lourd de l’ordre de 50 à 60 tonnes. Une semaine plus tard, les ingénieurs rendent leur travail à Paul Berliet : il faut un camion aux dimensions énormes. Le feu vert est donné au projet, mais le véhicule doit être prêt rapidement pour ne pas louper les débuts de l’exploitation pétrolière au Sahara.

Pour concevoir le T100, Berliet part de la plus grande monte de pneumatique disponible et construit son camion autour, en commençant par le châssis. Pour le moteur, les impératifs de temps pour présenter le véhicule ne permettent pas de concevoir un moteur Berliet, de toute façon, la spécificité de ce véhicule rendrait un tel projet non viable économiquement.
A la place, Berliet se tourne vers l’américain Cummins qui produisait alors les plus gros moteurs pour poids-lourds.

Le premier Berliet T100 dispose ainsi d’un Cummins V12 de 29,61 litres de cylindrée, équipé de deux turbocompresseurs qui permettent de proposer 600Cv.
Les ingénieurs de Berliet rêvaient de 700Cv, mais la technique de l’époque ne permettait pas de les atteindre. Une fois ce moteur arrivé dans les ateliers Berliet, il est monté sur le châssis du T100, une transmission semi-automatique Clark à quatre rapports avant et quatre rapports arrière est montée.
Quant à la direction, elle est assistée à l’aide de moteur de voiture Panhard !
Pour d’autres composants, Berliet fait appel à l’aéronautique pour équiper le T100 de freins à disque mais aussi d’une suspension avant à amortisseurs hydrauliques.

Conçu et assemblé en mois de 10 mois, le premier Berliet T100 sort des ateliers Berliet à la fin du mois de septembre 1957, le projet n’avait pas été ébruité jusqu’alors.
Ce camion prend la route direction Paris pour une présentation au salon de l’automobile. Une opération qui dure plusieurs jours, le tout sous escorte policière. une fois sur place le Berliet T100 prend place dans un hall spécifiquement réalisé pour lui, autour de la gamme « Saharienne » de Berliet.
Evidemment, le plus grand camion du monde interpelle : la plupart des visiteurs y font un détour !
Jamais un hall réservé au poids-lourds n’avait connu telle affluence !

Le Berliet T100 participa ensuite à d’autres manifestations où il fut érigé en vedette, comme lors des Journées Techniques de l’Exportation à Grenoble. A la fin de l’année 1957, le Berliet T100 effectue ses premiers tests en milieu hostile et il est amélioré au fil des embûches qu’il rencontre, avant de partir à Helsinki lors d’une nouvelle présentation, le T100 est alors acheminé au port du Havre où il est embarqué en cales d’un navire.

En 1958, Berliet débute l’assemblage du Berliet T100 n°2, le T100 n°1 part en terres africaines pour être exposé à la Foire de Casablanca qui se tient au cours du mois d’avril. Le véhicule y reçoit les honneurs du roi du Maroc, ce qui permet de faciliter l’installation de la filiale Berliet-Maroc. Le Berliet T100 n°1 revient en France par la suite parfaire sa mise au point, avec de nouvelles modifications qui profitent au T100 n°2 en cour d’assemblage. Ce dernier est prêt en septembre 1958 et reçoit un moteur de 700Cv obtenus grâce au travail sur l’arbre à came. Son capot est surélevé mais conserve le monogramme « 600Cv ».

Un monstre de 700 chevaux

Pendant un mois, Berliet T100 n°1 et n°2 sont mis en confrontation au cours d’essais communs. De ces essais, le moteur de 700Cv est mis au point, un essieu à roues jumelées à l’arrière est testé, puis le T100 n°2 part dans le Sahara travailler à la prospection pétrolière. Le T100 numéro 1 retourne dans les ateliers de Berliet pour recevoir des modifications mécaniques pour porter sa puissance à 700Cv. Présenté en 1959 lors du salon de Francfort, le T100 n°1 reçoit une livrée rouge et attire encore la foule. Il est ensuite envoyé en Afrique où il participa à l’inauguration de la base Berliet d’Ouargla, puis commence sa carrière de labeur dans le Grand Erg Oriental…

Entre temps, Berliet débutait l’assemblage du T100 n°3 qui, contrairement aux deux premiers, reçoit une benne Marrel capable de recevoir 50m3 de roches.
Ce T100 n’est pas destiné au Sahara puisque c’est le Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) qui le commande pour l’exploiter dans les mines d’Uranium de la Haute-Vienne, une autre grande aventure française de l’époque.
Il y travaillera durant cinq ans avant d’être mis à disposition d’une entreprise de BTP lors de la construction d’une autoroute.
Enfin et faute d’utilité en France, il sera exposé comme élément publicitaire avant d’être détruit en 1978.

Quand le troisième Berliet T100 sort des ateliers, Berliet décide de réaliser un quatrième T100 destiné, cette fois-ci, au marché américain. Il reçoit ainsi une nouvelle carrosserie à cabine avancée afin de se distinguer des productions américaines. Cette ligne se veut futuriste, elle reçoit une importante surface vitrée et peut recevoir cinq personnes à son bord. Conçu par Berliet comme véhicule de promotion, ce T100 n°4 reçoit le V12 Cummins de 600Cv resté dans les stocks de Berliet.

Dès la fin de son assemblage, le T100 n°4 part aux Etats-Unis pour être exposé à la foire de Tulsa, puis celle de Chicago. Ce T100 fait ensuite un détour au sein des ateliers Cummins pour voir son moteur porté à 700Cv, avant de revenir en France via New-York. Cette tournée américaine permet de faire connaître Berliet mais le constructeur français n’engrangera aucune commande.

Une fois revenu en France, Berliet cherche une nouvelle mécanique pour son camion et se tourne vers Turbomeca pour obtenir une turbine d’hélicoptère. Montée en 1960, la turbine effectua quatre années de tests à bord du T100.
Mais si la turbine répond aux demandes des ingénieurs, sa consommation empêche toute commercialisation.
Et malgré la création d’une gamme sur le papier autour du T100 (camion, porteur…), la guerre d’Algérie s’intensifiant, le T100 perd son objectif principal et restera sur le chiffre de quatre unités produites…

Seuls deux T100 sont encore de ce monde, un en Algérie, l’autre au sein de la Fondation Berliet près de Lyon.

Et c’est le second que vous pouvez exceptionnellement admirer au Salon Rétromobile, une façon d’honorer également la mémoire de ce grand capitaine d’industrie que fut Paul Berliet !

Fondation de l’Automobile Marius-Berliet
La fondation de l’Automobile Marius-Berliet est une fondation, reconnue d’utilité publique depuis 1982 consacrée au patrimoine relatif au camion et nommée ainsi, en hommage à Marius Berliet, ancien dirigeant fondateur des camions Berliet.

SITE : Fondation Berliet

RÉTROMOBILE 2019
Dates : du mercredi 6 au dimanche 10 février 2019
Lieu : Porte de Versailles – Pavillons 1, 2, 3
Horaires : mercredi, vendredi de 10h à 22h, jeudi, samedi, dimanche de 10h à 19h
Tarifs : 18 € en prévente sur le site internet, 21 € sur le salon, gratuit pour les enfants de moins de 12 ans.

SITE : Rétromobile

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1 comment on “Salon Rétromobile : le mythique Berliet T100 de la grande épopée saharienne.

  1. Je me rappelle de l’exposition MARREL à La Ricamarie, j’avais fait qq photos du T100 !
    Le terrain d’exposition et d’essais se trouvait derrière le « Puits Pigeot », et lui non plus n’a pas survécu à l’évolution des techniques d’après guerre …
    Les fils d’alimentation en courant continu des trolleybus avaient dû être déposés, car trop bas … ils risquaient de toucher le T100 qui venait directement des « bennes Marrel » dans le quartier de « La Rivière » à St Etienne.
    Même le passage à niveau de Montrambert avait été démonté (trop étroit).
    J’avais une dizaine d’année mais je savais me servir de l’appareil photo familial. J’ai gardé qq photos dont une a paru sur la couverture de « Camions magazine » il y a … une trentaine d’années !
    Amicalement.

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