Chaque automne, au dixième mois lunaire, se tient à Izumo le Kamiarizuki, le « mois avec les dieux » : la ville devient le centre spirituel du Japon pendant cette période au cours de laquelle, selon la tradition shintoïste, toutes les divinités du pays convergent vers le grand sanctuaire Izumo Oyashiro pour y tenir conseil. Ce sont alors quelques huit millions divinités qui sont accueillis pour festoyer, mais surtout pour décider du destin du pays l’année à venir pendant le festival Kamiarisai. Ce festival unique est à la fois rare par sa forme et incontournable dans la culture japonaise.

Aux origines mythologiques : immersion dans les légendes japonaises
Alors que le reste du pays nomme cette période le mois sans dieux (Kannazuki), Izumo la désigne comme « le mois avec les dieux » (Kamiarizuki). La croyance veut que les myriades de divinités shintoïstes se réunissent dans la région d’Izumo pour discuter des liens à tisser entre humains pour l’année à venir : relations amoureuses, relations sociales, destinées, rencontres et mariages. Cette réunion au sommet fait écho notamment aux fonctions d’?kuninushi, le dieu fondateur de la nation, à qui est dédié le grand sanctuaire Izumo Oyashiro. Il est connu comme le dieu de l’enmusubi, qui représente les liens qui unissent les gens à leur famille et leurs amis, leurs proches et leurs connaissances. Dans le mythe du kuni-yuzuri (« transfert de la Terre »), un récit fondateur du Japon, ?kuninushi accède aux demandes d’Amaterasu, la déesse du soleil, et transfère le contrôle des terres du Japon à la descendance de la déesse. En signe de gratitude, Amaterasu aurait offert à ?kuninushi un sanctuaire qui s’élevait « jusqu’aux cieux » (le fameux grand sanctuaire Izumo Oyashiro), ainsi que le pouvoir de régner sur le monde invisible, y compris l’enmusubi.

Spiritualité feutrée mais spectaculaire : se taire pour accueillir l’invisible
Le festival débute traditionnellement sur la plage Inasa-no-hama par une cérémonie spectaculaire d’accueil des dieux (kami-mukae-sai). Après la tombée de la nuit, les prêtres allument de grands feux rituels sur la plage et escortent les kami (ou divinités) en les protégeant du regard du public rassemblé à l’aide de grands draps blancs. La procession conduit les divinités de la plage jusqu’au grand sanctuaire Izumo Oyashiro, où elles se réuniront pendant le festival. Parmi les rituels publics figurent aussi des danses kagura, sacrées et symboliques, reflétant les mythes locaux et mettant bien en lumière l’importance d’Izumo comme point névralgique du shintoïsme. Même le nom de la ville, « Izumo » ou les « nuages qui apparaissent », fait écho à cette tradition, les divinités étant supposés arriver des quatre coins du pays en chevauchant des nuages. Les cérémonies du Kamiarisai sont marquées par le silence et la gravité, l’atmosphère recueillie contrastant avec les manifestations festives souvent associées aux matsuri japonais. Par opposition, Izumo propose une expérience du sacré plus intime. Lors du festival, c’est tout un territoire qui se tait pour accueillir l’invisible : la ville entre dans le silence, les rituels sont feutrés pour ne pas déranger la réunion divine, et même les travaux de construction sont suspendus et la musique assourdie. Une expérience rare et forte.
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A la croisée des destins : Izumo, là où les liens se nouen
Le festival incarne la dimension humaine du shintoïsme à travers le rôle d’?kuninushi : dieu des liens (enmusubi), il préside au destin des êtres humains et à leur harmonie collective. Enmusubi décrit les forces invisibles (en) qui nous lient les uns aux autres (musubi). Il s’agit d’un concept relationnel très important au Japon selon lequel chaque rencontre est le fruit du destin et non d’une coïncidence. Or, pendant le Kamiarisai, les divinités discutent des liens à tisser entre les humains pour l’année à venir, et notamment du mariage et des relations humaines.
Le grand sanctuaire Izumo Oyashiro est lui-même réputé pour ses prières liées à la chance et à l’harmonie des relations. La confection de talismans pendant le festival symbolise ces espoirs. Cela lui confère une dimension profondément humaine, en plus de sa dimension spirituelle. Avant leur visite au grand sanctuaire Izumo Oyashiro, les visiteurs peuvent même se rendre au sanctuaire Umi Jinja non loin, consacré lui au enkiri, ou la « rupture des liens », afin de se débarrasser des mauvaises relations ou des mauvaises habitudes avant d’aller en forger de nouvelles.








