• 20 août 2022
  • Alain Philippe Baudry Knops
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Dans ses Fragments d’un discours amoureux, 1977, Roland Barthes déclare : « Le langage est une peau : je frotte mon langage contre l’autre. »
Et si l’expression plastique était, elle aussi, un langage, une peau frottant contre celle du spectateur ? Telle est la question que cette exposition voudrait aborder en présentant les propositions de sept artistes plasticiennes qui, d’une façon ou d’une autre, font appel ou référence à une peau à effleurer du regard… Voire à toucher… Car, les artistes que nous avons sélectionnées invitent à la transgression, à faire fi de l’interdiction de toucher les œuvres exposées… À passer de l’optique au haptique, un retour aux sources de l’art, si l’on en croit Aloïs Riegl dans son analyse de l’art égyptien.
Est-ce un hasard – il y avait une chance sur 128 que cela arrive – si tous les exposants sont des exposantes ? Ce n’était pas un critère a priori dans le processus de sélection mais force est de constater que, parmi
toutes les propositions entre lesquelles nous devions exercer un choix, ce sont sept plasticiennes qui se sont imposées.
Comme toujours, dans les expositions que nous organisons, la diversité des techniques et des approches est au rendez-vous : matériaux légers ou impalpables chez Frédérique Gourdon, Camille Rosa et Natalia
Jaime-Cortez, fragilité et transparence chez Anne Da Silva, assemblages de métal chez Juliette Frescaline, matériaux massifs et bruts chez Géraldine Guilbaud, sensualité de la peinture acrylique sur toile chez Sylvie Herzog…


Le travail d’Anne Da Silva trouve son ancrage dans le rapport empirique qu’elle bâtit depuis l’enfance avec ce que, en Occident, on nomme la nature. Ses recherchent se fondent sur un besoin d’appartenance et de dialogue avec ce monde organique, avec ses lieux, ses peaux et ses invisibles contenus. Dans la proximité qu’elle entretient avec le règne vivant elle guette les composantes d’une humanité emmêlée à ses alentours, nécessairement composite. Ses sculptures et installations empruntent au monde organique des matières, des formes et des agencements. Ses gestes de terrain et d’atelier rejoignent ceux des scientifiques et des artisans : la collecte, l’observation, la conservation, la tannerie, les cuissons, l’assemblage… Ils nécessitent un travail long, lent et soutenu, souvent très répétitif qui plonge l’esprit dans une sorte vacance au cours de laquelle des intuitions se précisent et des récits s’écrivent. Les sculptures s’étoffent alors d’un potentiel narratif sur lequel elle veille. Elle explore particulièrement les peaux : écorces, croûtes et enveloppes de ce monde organique, ces membranes mystérieuses qui séparent et réunissent, qui témoignent de la réversibilité du sentant et du senti.

Natalia Jaime-Cortez est artiste plasticienne, mais aussi danseuse et performeuse. Sa personne physique constitue le matériau de base pour ses réalisations, sa matière première. Quand elle pratique la peinture ou le dessin, elle conçoit cette activité comme un processus qui vient en prolongement de son corps. Pour réaliser ses œuvres plastiques, elle utilise de grandes feuilles de papier asiatique normalement destinées à
la calligraphie. C’est un support simultanément résistant et absorbant.
Elle le découpe, déchire ou plie avant de le plonger dans un bain d’encre colorée, de graphite ou de lavis, dans des cours d’eau ou dans la mer.
La durée de l’immersion peut varier de quelques minutes à plusieurs heures, permettant une imbibition de la couleur plus ou moins prononcée. L’opération peut être répétée plusieurs fois, avec des bains de natures différentes. Suit l’opération de séchage, longue de plusieurs semaines, en fonction de la quantité de liquide absorbé et de différents paramètres environnementaux. Cette phase est, elle aussi, génératrice
d’imprévus. Ces véritables pans de peaux peuvent être présentés superposés, suspendus, libres, contraints, flottants, pliés, dépliés…

Les sculptures colorées de Géraldine Guilbaud sont à la fois sensorielles et sensuelles. Sensorielles car elles excitent les organes des sens, directement ou par suggestion, en jouant sur les couleurs, les textures, les densités, l’occupation de l’espace… de façon directe et brute, pour ne pas dire brutale, récusant d’emblée toute affèterie plastique.
Sensuelles car elles convoquent la vue – optique – et le toucher – haptique – même si ce dernier sens est traditionnellement banni de l’univers de monstration des œuvres. Il faut « toucher avec les yeux. » Elles déploient des formes et des textures qui recourent à des matériaux grossiers qu’elle n’hésite pas à doter de couleurs que d’aucuns considéreraient comme criardes mais qui, chez elle, incitent à la transgression, à palper ces écorces, ces peaux, dont la seule vue ne peut pas satisfaire le regardeur. Il veut les toucher, les palper, les soupeser, les humer, les goûter, comme on le ferait de friandises… Ce sont à de véritables synesthésies que l’artiste nous invite… Pour notre plus grand plaisir…

Juliette Frescaline travaille le métal, qu’elle transfigure dans des structures douées d’une intense vie interne. Elle procède par accumulation et/ou tuilage d’éléments similaires, récupérés ou forgés séparément, assemblés dans un processus à caractère génésique, comme s’il s’agissait d’un développement naturel. On peut aussi y voir la matérialisation de fractales, comme dans ses structures qui évoquent la carapace d’un pangolin. Plus généralement, on peut lire ses pièces somme des métaphores de la peau considérée comme armure protectrice contre les aléas et vicissitudes du monde. À travers toutes ses pièces émerge l’idée d’une forme de collectivité œuvrant à un objectif interne qui serait
dicté par une sorte d’ADN que la plasticienne aurait insufflé au métal pour lui confier un capital génétique le rendant autonome et lui permettant de se libérer simultanément de sa triste matérialité et de l’intervention de l’artiste, de vivre sa vie, d’assurer sa protection, de croître et de prospérer indépendamment de la dureté des conditions environnementales.

Camille Rosa pratique le dessin, la sculpture, la vidéo et la scénographie de théâtre et de danse. Le chatoiement des couleurs, omniprésent dans ses œuvres, résulte de son imprégnation par la culture du sous-continent indien, lors de ses nombreux séjours dans ce pays. Elle puise son inspiration dans les mythes des origines, la figure humaine, les corps grotesques, les objets, les rituels et fêtes populaires. Ses réalisations mêlent, non sans une ironie latente, des éléments d’époques archaïques et d’autres de notre temps. Elle met en scène, selon ses propos, une certaine réversibilité des genres, des rôles, du geste, du temps.
Les notions de peau, de recouvrement, d’écorce, de costume sont souvent convoquées dans ses créations, contribuant à des situations paradoxales, à des paysages mentaux qu’irrigue une pensée magique mettant en évidence la porosité entre humanité et animalité. Le spectateur se trouve, à son corps défendant, impliqué dans un rituel sauvage où masques, trophées, monstres, bestiaire fantastique… s’imposent, dansune hybridation de références culturelles hétérogènes.

L’Espace d’art Chaillioux Fresnes 94

7 rue Louise-Bourgeois – 94260 FRESNES
Par les transports en commun
Depuis la station Croix-de-Berny (RER B) prendre la ligne TVM jusqu’à l’arrêt Montjean ou la ligne de bus 396 jusqu’à l’arrêt Cerisaie
En voiture
Coordonnées GPS
DD 48.75237 x 2.329249
DMS N 48°45’8.532’’ – E 2°19’5.296’’
Parking possible au Centre Commercial La Cerisaie

Du mardi au samedi, de 14h à 19h

LE SITE : Espace d’Art Chaillioux

Alain Philippe Baudry Knops

Voyage, Mode, Beauté, Lifestyle, High-tech, etc

http://www.homactu.com

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